« A quand le départ de la MONUSCO de la République Démocratique du Congo (RDC) ? Cette question est de plus en plus sur toutes les lèvres de la population congolaise. Elle alimente non seulement les débats publics mais elle est aussi récurrente sur les réseaux sociaux.
Dans son rapport publié le 13 Août 2023, le secrétaire général des nations Unies (ONU) Antonio Guterres a annoncé que la mission onusienne en République démocratique du Congo (Monusco) est entrée « dans sa phase finale » avant de quitter le territoire congolais, où ses troupes sont présentes depuis 25 ans. Une phase décisive mais qui ne cadre pas avec la situation sur le terrain, laquelle est « en forte détérioration » selon le chef de l’ONU, qui veut un « retrait accéléré, mais responsable ». Un départ prématuré « aurait des conséquences pour les civils qui comptent sur la mission pour assurer leur protection », insiste-t-il.
Par ailleurs au mois de Juin 2023, en direct sur la chaine de télévision nationale congolaise RTNC, la cheffe de la MONUSCO avait clairement expliqué que la MONUSCO est déjà sur le départ : « Le départ de la MONUSCO est déjà enclenché », a-t-elle soutenu, tout en ajoutant qu’il faut que ce retrait soit digne et pacifique. « On ne démantèle pas une mission en un jour, moins encore par un claquement des doigts. »
Pendant ce temps à Goma chef-lieu de la province la plus touchée par le conflit dans l’est de la RDC, aucun mouvement, aucune action ne pote les couleurs du processus du départ progressif de la Monusco selon plusieurs organisations de la société civile locale (Enquête).Toutes fois certaines organisations membres de la société civile du Nord-Kivu ont été consultées pour donner leurs approches et stratégies pour aboutir à un retrait progressif et inclusif de la Monusco et parmi ces organisations nous retrouvons le CLC.
C’est dans cette optique que le groupe de presse : www.larepublique.net est allé vers le coordonnateur diocésain du Comité Laïc de Coordination catholique (CLC) pour essayer de trouver des réponses aux multiples questionnements de la population sur l’opacité du processus du retrait de la Monusco en RDC.
Monsieur Jackson KITAMBALA vous êtes le coordonnateur du CLC au Nord-Kivu, pourriez-vous présenter votre organisation, son mandat, actions ?
« Je suis coordonnateur diocésain du CLC basé à Goma, ville qui coordonne la couverture des activités du CLC dans les territoires de Masisi, Rutsthuru et Nyiragongo. C’est là ou notre sphère de compétence se limite actuellement, mais il est à noter que pour l’instant comme on n’a pas encore installé un CLC dans les diocèses de Beni et Butembo nous répondons aussi aux questions urgentes et de responsabilité pour ces deux autres Zones d’une manière occasionnelle »
« Notre mandat, sachez d’abord que nous sommes une structure crée par les laïcs catholiques dans le but d’appuyer l’Eglise dans son rôle prophétique de dire la vérité aux dirigeants afin de les amener prendre des décisions qui améliorent les conditions de vie de la population qu’ils gèrent »
« Nous dénonçons l’injustice et le non-respect des droits de l’homme et nous travaillons pour le développement de notre beau pays. Pour une bonne harmonisation de nos actions, nous collaborons étroitement avec le bureau de coordination de la Société Civile du Nord-Kivu »
Selon vous, quelle place la MONUSCO occupe-t-elle dans la protection et promotion des droits humains en RDC et à Goma plus particulièrement ?
« La Monusco occupe une place de choix dans la défense des droits humains en RDC. Mais comme vous le savez, cette mission ne vient qu’en appui aux initiatives du gouvernement Congolais. Un appui ne peut donc être éternel et permanant, il doit s’inscrire dans un chronogramme bien clair. A mon avis il est temp que l’on puisse évaluer cette place qu’elle occupe et voir comment on peut mettre fin à cette collaboration et amener le gouvernement à prendre ses responsabilités »
Connaissez-vous le plan inclusif du retrait de la MONUSCO ? L’avez-vous lu ou vous avez été contacté pour contribuer à sa rédaction ?
« Oui oui nous connaissons ce plan. Le CLC a participé à la rédaction de ce document dans le même groupe que les mouvements citoyens et les forces vives de la société civile du Nord Kivu. Nous avons mis en place un questionnaire qui ciblait certains membres des Organisations et autres leaders d’opinions pour essayer de jauger le point de vue global de la population ».
Qu’en pensez-vous ?
« Nous pensons que le plan signé par le CLC en collaboration avec les associations de la Société civile et les mouvements de pressions est clair mais il tarde à être suivi. Nous avons proposé un plan de retrait qui depuis presque deux ans est resté lettre morte ».
Quel est le blocage selon vous ?
« Le blocage se trouve au niveau du suivi de notre action par le gouvernement car la société civile a fait sa part. Nous avions élaboré ce plan entre Août et Septembre 2022. Nous avions proposé trois phases de retraits dans son contenu dont la première devrait se tenir en décembre 2022, pourquoi décembre? C’est parce que nous savons que ce durant ce mois que le conseil de sécurité siège pour décider sur le sort des missions de maintien de la paix dans le monde et c’est encore au mois de décembre que l’on renouvelle le mandat de la Monusco. C’est pourquoi nous avons proposé notre plan quelques mois avant pour nous rassurer de sa lecture minutieuse par les décideurs. On proposait qu’il ait retrait de 40% du personnel civil en décembre 2022, le même pourcentage en décembre 2023 et ne rester qu’avec 20 % des effectifs d’ici fin 2024 période probable du retrait définitifs de la Monusco en RDC. Ce 20% des effectifs serait composé selon le CLC des experts et des observateurs pour finaliser le transfert des compétences et des matériels. Il n’appartenait pas au CLC d’introduire cette demande du respect de ce plan. C’est le gouvernement Congolais qui devrait le faire. Mais nous ne sentons rien comme réaction de la part du gouvernement »
Il y aura-t-il des conséquences au retrait de la MONUSCO dans la région en matière de droits humains et de protection des populations civiles ? Si oui, lesquelles ?
« Il faut l’admettre que oui. Moi je pense que c’est aussi une occasion pour que notre gouvernement de prendre ses responsabilités face au non-respect des droits humains. Nous le CLC nous n’allons pas baisser le bras après le départ de la Monusco. Nous allons continuer à rédiger des rapports d’incidents et des monitorings sur les cas de violations graves des droits de l’homme, nous ne cesserons d’alerter et de dénoncer comme nous le faisons maintenant. Notre gouvernement ne doit pas continuer à attendre la main extérieure pour faite son travail. La Monusco doit partir et la justice Congolaise doit continuer son travail ».
Y a-t-il des rôles que la MONUSCO joue et qu’aucun autre acteur ne pourra jouer après son départ de la RDC ?
« Tout ce que la Monusco fait aujourd’hui les organisations locales peuvent le faire car elles sont déjà outillées par la Monusco depuis plus de 20 ans. C’est question de leurs donner les moyens et l’appui technique du gouvernement ».
Quelle est votre opinion sur les forces régionales,celles présentes en RDC et celles qui sont déjà annoncées pour venir finir cette guerre ?
« Le CLC avait déjà alerté le gouvernement sur cet aspect-là, cette façon de vouloir toujours croire que nous sommes plus faibles que les autres n’est pas bonne. Nous avons adressé une lettre au président de la république au début de cette année, dans cette correspondance nous avons dit que la paix ne viendra que des Congolais, personne ne viendra mourir pour nous ici. Nous en tant que société civile on ne sait même pas sur quelle base légale l’EAC par exemple est au Congo. La logique de cette force est celle de laisser les villages tomber afin de contraindre le gouvernement Congolais d’accepter d’aller sur la table de négociation avec le M23 comme interlocuteur en face. Dans notre lettre à l’époque au mois de Janvier nous avons alerté sur cette politique et nous avons dit au président de la république que si Kitshanga tombait cela signifierait pour nous CLC que nous avons perdu totalement la guerre et nous accepterions alors de négocier avec les terroristes. Nous avons dit clairement au président de la république que si lui aussi est dans cette logique-là de céder les villages aux rebelles il nous trouvera certainement sur son chemin »
Quel est votre jugement comparatif entre la Monusco, l’EAC et la force de la SADC qu compte venir aussi en RDC ?
« Concernant la SADC, je préfère que l’on puisse utiliser la même formule que celle que nous avons utilisé contre le M23 en novembre 2012.Pouruoi appeler la SADC alors qu’elle est composé essentiellement des forces Angolaises, Sud-africaines et Namibiennes qui se retrouvent encore dans la Monusco sous l’acronyme de FIB qui est une brigade d’intervention efficace d’environ 3 000 hommes, qui ont un mandat offensif, celui de combattre directement les groupes armés avec les FARDC. Sachez une chose,la démobilisation des forces en provenance des pays de la SADC n’est plus possible car ces pays ont compris que leurs soldats étaient morts pour rien en RDC dans une guerre qui manque de volonté politique d’en finir »
« Conséquence, les officiers supérieurs des brigades des pays de la SADC ont subi des fortes pressions de la part de leurs populations respectives comme quoi leurs compatriotes ne vont pas continuer à mourir en RDC alors que le gouvernement Congolais ne veut pas outiller sa propre armée les FARDC pour prendre la révèle et finir cette guerre. Donc détrompez-vous aucune force régionale ne viendra plus mourir au Congo les réalités ne sont plus les mêmes ».
Que dites-vous à la fin sur le plan de retrait progressif de la Monusco ?
« Ce qui nous étonne en tant qu’organisation membre de la société civile est que toutes les réactions des hauts responsables Onusiens conditionnent le départ de la Monusco par la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, le retour de la paix et j’en passe. Toutes ces conditions ne sont pas rempli présentement et elles ne le sront d’ici décembre 2024 ».
« Ce que le CLC propose, est que notre gouvernement puisse nous appuyer dans la lutte afin d’obtenir un retrait progressif et non conditionnel de la Monusco. Quand nous voulons exercer une pression sur l’ONU en RDC, elle nous répond qu’elle attends une notification officielle de la part de notre Gouvernement qui l’avait invité en RDC (Rire) ».
Thierry Kayandi
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