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RDC : Silence forcé à l’Est, Quand la Presse devient une Victime de Guerre et de Censure d’État

La République Démocratique du Congo (RDC) a connu une année 2025 particulièrement « terrible » pour ses professionnels des médias, notamment dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, ravagées par le conflit. Un nouveau rapport annuel de Journaliste en Danger (JED), partenaire de Reporters sans frontières (RSF), révèle une situation alarmante, dressant le portrait de la presse congolaise prise en étau entre la violence des groupes armés et les restrictions imposées par les autorités étatiques.

​Des Crimes de Guerre contre l’Information

​L’Est de la RDC est devenu une zone d’extrême danger pour les journalistes, avec JED allant jusqu’à titrer son rapport sur les « crimes de guerre commis contre la presse ». Le bilan de la prise de Goma fin janvier 2025 par les rebelles du M23, appuyés par l’armée rwandaise, est lourd.

​Les journalistes sont directement ciblés par des assassinats, enlèvements, détentions arbitraires, agressions, pillages, et fermetures de dizaines de radios communautaires, vecteurs d’information de proximité essentiels. Lors de l’avancée rebelle sur Goma, la majeure partie des radios (49) et télévisions (7) ont cessé d’émettre suite à la coupure d’électricité.

​De plus, JED dénonce l’enrôlement forcé et idéologique des journalistes dans les rangs de la rébellion, parfois sous couvert de formations où ils apprendraient même le maniement des armes, ce qui consacre « la fin des médias indépendants » dans ces territoires. Dans les zones occupées, le M23 impose des directives, des éléments de langage et menace les journalistes qui ne se plient pas à leurs exigences de censure.

​Le Piège de la Double Censure

​Face au conflit, la presse est également soumise à des pressions accrues de la part des autorités congolaises, accentuant la crise de la liberté d’expression. La situation est caractérisée par un régime de censure et de « ligne de conduite » imposée aux médias couvrant le conflit.
​Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) a interdit aux médias de diffuser des informations sur la rébellion sans se référer aux sources officielles, et a proscrit les débats en direct sur les opérations militaires ou l’interview de « forces négatives ».
​Le CSAC a même menacé de suspendre des médias internationaux (RFI, France 24, TV5 Monde) et a retiré l’accréditation de journalistes d’Al Jazeera, les accusant d’apologie du terrorisme.
​Le Ministre de la Justice a pour sa part émis des déclarations controversées, menaçant de sanctions extrêmes, y compris la peine de mort, pour tout journaliste qui relaierait des informations jugées favorables aux groupes rebelles.

​Ces mesures, conjuguées aux violences des belligérants, font du métier de journaliste un travail « dangereux en RDC« .

​Le Bilan Chiffré de l’Impunité

​Si la RDC avait marqué des points dans les classements mondiaux de la liberté de la presse, le bilan global reste sombre. Les statistiques sur les menaces et les violences sur la durée indiquent que le métier d’informer est l’un des plus périlleux du pays.

​Au cours des trente dernières années, au moins 30 journalistes ou professionnels des médias ont été tués dans des conditions qui n’ont jamais été élucidées, les enquêtes annoncées n’ayant « jamais eu lieu ». Au total, le rapport comptabilise 2670 cas de violations (journalistes tués, disparus, détenus, médias détruits) sur l’ensemble de la période étudiée.

​Appel à la Mobilisation pour la Paix

​Pour JED, la liberté de la presse est une composante essentielle de la liberté d’expression. L’organisation insiste : « seuls des médias et une presse libre peuvent accompagner efficacement les dynamiques de paix en cours« .

Au moment où des pourparlers se tiennent pour la fin de la guerre à l’Est entre la RDC et le Rwanda, JED demande instamment que la question de la liberté des médias et de la protection des journalistes soit inscrite à l’agenda de ces négociations, afin d’assurer un engagement conséquent des médias dans les processus de paix. Le respect du droit à l’information ne peut être assuré qu’en « cessant d’attaquer ou de mettre en danger les journalistes ».

Par Valéry Mukosasenge| Groupe de Presse la République


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