La xylocopéisation du territoire, nouvelle théorie des sciences politiques
Auteur : Jaribu Muliwavyo
Les opérations des FARDC appuyées par la MONUSCO contre les rebelles ougandais des ADF dans la région de Beni sont jugées d’inefficaces. Ceci ressort d’une enquête menée par le chef des travaux Jaribu Muliwavyo dont les résultats sont contenus dans le livre « la guerre des ADF dans le Ruwenzori, entre xylocopéisation et privatisation du territoire » paru aux éditions universitaires européennes. Cette théorie se vérifie à travers la sous-traitance des groupes armés par des Etats souverains au détriment de leurs services de sécurité. L’étude fait constater qu’il s’était consolidé au tour des ADF, un réseau de contrebande à la fois politique, économique et culturel, d’où le néologisme d’un « monstre à trois mamelles ». Ceci avec comme conséquence, la précarité de la vie socio-économique de la région du Ruwenzori.
Dans cet ouvrage de 423 pages, l’auteur, également élu député provincial du territoire de Beni affirme que la région du Ruwenzori signifie tout simplement les entités administratives congolaises de Beni, ville et territoire, la ville de Butembo et une petite partie de l’Ituri, voisine du territoire de Beni à savoir les chefferies des Banyali-Tshabi, Bahema-Boga et Balese-Vokutu. C’est une bande terrestre qui relie le lac Edouard au lac Albert. Elle est traversée par la rivière Semuliki. Cette région d’étude comprend les districts Ougandais de Kasese et de Bundibugyo.
Pour lui, la recherche confirme l’inefficacité des opérations des FARDC appuyées par la MONUSCO, échec qui s’observe à travers la permanence des théâtres militaires, notamment les opérations Moutain Sweep (1998), North Night Final ou Keba 1 (2005), Safisha Ruwenzori (2010), Radi Strike (2012) et Sukola 1 (2014).
« L’étude montre que les stratégies opérationnelles (organisationnelle, militaire, financière, idéologique, religieuse…) avaient offert aux ADF une opportunité de résister aux FARDC appuyées par la MONUSCO. Ce qui fait de ce rapport scientifique une carte cognitive du mode opératoire, des stratégies de résistance et du réseautage mis en place par les ADF » a dit au Groupe de Presse LAREPUBLIQUE.NET l’élu de Beni territoire.
En dépit des opérations militaires visant à mater cette rébellion d’origine ougandaise, un contexte sécuritaire anormal s’observe à travers plusieurs actes dont l’extension de la menace terroriste sur la zone en conflit où l’on enregistre 1417 personnes kidnappées en majorité des civils entre 2010 et décembre 2016 ; environ 1351 personnes égorgées à la hache, à la machette ou poignardées ou encore tuées par balles y compris des femmes enceintes éventrées depuis le massacre du 11 au 17 décembre 2013 dans la région de Biangolo à nos jours; plus de 1800 maisons y compris des structures sanitaires et scolaires incendiées ; une crise humanitaire continue ainsi que l’émergence et la résurgence des groupes d’autodéfense populaire notamment le « Corps du Christ » un mouvement Maimai qui a fait un défilé dans les villes de Butembo et de Beni sous l’œil impuissante de l’autorité publique.
« L’on s’aperçoit que l’Etat qui se croyait rationnel en sous-traitant des hors-la-loi, étrangers de surcroît, pour régler les problèmes de bon voisinage à sa frontière, se trouve insécurisé par ces derniers qui, désormais, ont échappé à son contrôle. Ils résistent au programme DDRRR, refusent de collaborer au plan de pacification et affichent un comportement autonome, déviant les objectifs leur assignés au départ par l’Etat Zaïrois » regrette ce Chef de travaux à l’Université de Goma.
Des pistes des solutions pour endiguer le phénomène ADF
Le Chef de travaux Jaribu a à cet effet recommandé au niveau local, l’implication des leaders locaux dans l’appropriation des opérations par la population locale, la dénonciation de la chaîne alimentaire et du réseau des ADF, l’évaluation citoyenne et/ou participative des opérations militaires ainsi que la démystification du mythe sur le secret de défense, processus qu’il qualifie de « citoyennisation du secteur de sécurité ».
« Au gouvernement de la RDC, de renforcer son armée en équipement militaire, sa spécialisation par rapport à la zone des combats dans les forêts et dans le massif du Ruwenzori, la redéfinition des relations entre les FARDC et la population civile habitant les zones opérationnelles, la relance et la rationalisation du programme de démobilisation, et l’ouverture aux acquis de la démocratisation tracés par la Constitution du 18 février 2006 en RDC » a-t-il recommandé.
Il recommande également que des mesures de sanctions soient prises à l’endroit des acteurs civils ou militaires qui se seraient rendus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité y compris certains dirigeants des gouvernements pour complicité. « Cette justice doit être élargie aux agents de la MONUSCO qui sont accusés d’avoir trempé dans la collaboration avec les ADF » dit-il. Ici il se réfère aux différents arrêts de la cour militaire opérationnelle qui a dernièrement siégé en chambre foraine dans la ville de Beni.
Toutefois, vu l’ampleur des crimes commis, et des dossiers politiques qui n’ont pas été vidés par la cour militaire opérationnelle, auxquels les victimes et une importante opinion attendent des réponses, et surtout une réparation, l’auteur de « La guerre des ADF dans le Ruwenzori : entre xylocopéisation et privatisation du territoire » souhaite que soit organisé un tribunal international spécial plus indépendant.
Toujours selon l’auteur de cet ouvrage, il faut envisager aussi l’érection d’un camp militaire permanent, équipé de façon appropriée pour la surveillance de la région frontière de Ruwenzori et qu’un programme stratégique de ramassage d’armes détenues par les civils soit urgemment amorcé.
« Le gouvernement doit également procéder à la réforme de la gouvernance du parc national des Virunga, PNVi, pour que celui-ci ne continue plus à servir de sanctuaires pour différents groupes armés y compris les ADF » poursuit-il.
Quant aux partenaires internationaux de la RDC y compris ceux de la CIRGL, le Chef de travaux Jaribu Muliwavyo souhaite qu’il y ait des changements de stratégies d’actions de la brigade d’intervention de la Monusco en une force spéciale du genre Artémis adaptée au mode opératoire des ADF. A ce niveau, selon lui, l’ONU doit s’activer à ranger l’Ouganda dans une dynamique de paix avec son voisin, la RDC.
« Ces mesures permettront de renforcer l’autorité étatique et d’adopter des approches nouvelles facilitant la mise en place de nouvelles politiques publiques en vue de l’amélioration de la situation sécuritaire, condition sine qua non pour la construction d’un espace viable auquel la population de la région frontière du Ruwenzori aspire pour son épanouissement intégral » a martelé ce diplômé d’études supérieures en sciences politiques et administratives de l’Université de Kisangani en République Démocratique du Congo.
Valéry Mukosasenge
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