Le 19 Février 2024, les congolais sont surpris par l’une des signatures importantes que décroche Paul Kagame, le Président du Rwanda à l’Union Européenne. Il s’agit d’un « protocole d’accord visant à favoriser le développement de la chaîne de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques ».
Dans l’opinion congolaise vient confirmer l’hypothèse des acteurs clés impliqués dans le conflit dans la région des Grands-Lacs.
« Comment vous êtes une Union Européenne qui soutenait la paix dans la région des Grands-Lacs, vous savez que toute la prospérité du Rwanda est battue sur la contre bande minière dans l’Est de la RDC et vous signez avec ce pays un protocole visant à développer une chaîne des valeurs des matières stratégiques ? », s’interroge Julien Paluku Kahongya, ancien Gouverneur de la Province du Nord-Kivu.
Quid de cet accord !
Selon le communiqué de l’Union Européenne, ce protocole d’accord établit « une coopération étroite entre l’UE et le Rwanda dans cinq domaines clés, comprenant notamment l’intégration de chaînes de valeur durables, la promotion d’une production et d’une valorisation responsables des matières premières, ainsi que la mobilisation de fonds pour le développement des infrastructures nécessaires ».
Les deux parties vont élaborer dans six mois, une feuille de route sur la mise en œuvre de cet accord, précise le communiqué de l’UE.
« Ce n’est qu’un MOU, un « momerendum of understanding »(protocole d’entente en français, ndlr). C’est juste une déclaration d’intention, rien de dramatique. De plus, l’UE a signé le même type d’accord avec la République démocratique du Congo l’an dernier. Cela fait tout simplement partie de la politique européenne. L’UE est à la recherche de minerais un peu partout sur la planète, notamment le coltan, [nécessaire pour certaines nouvelles technologies, ndlr]. Elle signe donc ce genre de MOU avec tout le monde », a expliquéThierry Vircoulon à TV5MONDE, chercheur associé à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI).
Selon ce chercheur, l’Union Européenne est à la recherche des minerais partout dans le monde. C’est dans le cadre de la stratégie « Global Gateway » de l’UE, qui vise à réduire les disparités mondiales en matière d’investissements et à favoriser des connexions intelligentes, propres et sûres dans divers secteurs. A plus de la RDC et du Rwanda, la Zambie et la Namibie en ont déjà bénéficié dans l’objectif de mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros d’investissements publics et privés d’ici 2027 pour renforcer la prospérité et la sécurité de l’Europe et de ses partenaires mondiaux.
La cible des menerais de l’UE est désignée sous le vocable « 3T« . Il s’agit surtout de coltan (ou tantale), d’étain (cassitérite) et de tungstène (wolframite). Il est également question d’or.
D’où provient les minerais développés au Rwanda ?
En 2017, le Rwanda a annoncé au monde la découverte des terres rares et des pierres précieuses dans son sous sol.
« C’est désormais officiel ! Il n’y a pas que le coltan, l’or, le tungstène, le béryl ou l’étain au Rwanda. Les autorités ont récemment découvert de nouveaux minéraux dont des éléments de terres rares, des pierres précieuses, du cobalt, du fer et du lithium dans divers endroits à travers le pays », avait révélé à la presse Dr. Emmanuel Munyangabe, officier en chef des opérations à la Rwanda Mines, Petroleum and Gas Board (RMPGB).
Mi-2017, le Rwanda a lancé le projet d’une usine de traitement du coltan (dont le Rwanda est le premier exportateur au monde).
Par ailleurs, une étude révélée par Global Witness démontre que 90% des minerais « 3T » exportés par le Rwanda sont introduits illégalement à partir de la RDC. Cette étude de 2022, soit 5ans après la découverte de ce que le Rwanda a qualifié « des terres rares et terres précieuses », est intitulée « La laverie ITSCI : Comment un système de diligence raisonnable semble blanchir des minéraux de conflits ».
Elle démontre que l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI/ International Tin Supply Chain initiative), un mécanisme ayant pour objectif de fournir une chaîne de traçabilité fiable des minerais « 3T » permet la contrebande et le blanchiment de ces minerais extraits en RDC.
D’après les témoignages de cette étude recueillis en 2022, « seulement 10 % des minerais exportés par le Rwanda avaient réellement été extraits sur son territoire, les 90 % restants ayant été introduits illégalement à partir de la RDC ».
En 2023, l’Office rwandais des mines a révélé l’augmentation de 1,1 milliards des dollars américains, des recettes d’exportation de minéraux du Rwanda. Le ministre congolais des Finances, Nicolas Kazadi estimait au même moment, une perte justement d’un milliard de dollars américains dans ses exportations de minerais. S’agit-il d’une coïncidence ?
Plusieurs analystes dans la région des Grands-Lacs parlent d’aucun doute sur le pillage des ressources minières en République Démocratique du Congo.
« Concernant ces exportations record, c’est simple, cela vient de la mine de Rubaya, qui est passée sous contrôle du M23. De fait, sa production passe directement au Rwanda », révèle Thierry Vircoulon à TV5MONDE.
“C’est comme si l’Union européenne nous faisait la guerre par procuration“
Kinshasa n’a pas bien digéré la signature de l’accord entre l’UE et le Rwanda. La capitale dénonce ce qu’elle qualifie de « protocole » qui « encourage le pillage des ressources naturelles congolaises par le Rwanda« .
Le 22 Février, le Président Tshisekedi, élu pour son deuxième mandat depuis le 20 Décembre 2023 a fait étant d’une procuration signée par l’UE pour accentuer le pillage des richesses Congolaises.
« Tout le monde sait que le Rwanda n’a même pas un gramme de ces minerais dits « critiques » dans son sous-sol. C’est comme si l’Union européenne nous faisait la guerre par procuration », s’est-il exclamé.
Face à ces accusations, l’UE ne compte pas rompre le deal avec le Rwanda. Elle pense plutôt que la signature de cet accord va faire « accroître la traçabilité et la transparence et de renforcer la lutte contre le trafic illégal de minerais ».
Des interrogations sur la position de l’UE
- Plusieurs rapports même des Nations-Unies ont déjà démontré la contrebande de minerais avec le Rwanda et la contamination des chaînes d’approvisionnement, censées être propres, justement par des minerais illégaux.
- Plusieurs rapports ont certifié l’appui du Rwanda aux rebelles du M23 dans la guerre en l’Est de la RDC.
Pourquoi l’Union Européenne conclut-elle un tel accord avec le Rwanda ? S’agit-il d’une façon de perpétuer la violence sur le sol congolais afin de favoriser le pillage de ses richesses ? Qui finance réellement les rebelles du M23 ?
Pendant ce temps, la crise humanitaire est catastrophique dans la région, près de 7 millions des déplacés internes selon le dernier rapport de l’ONU suite aux violences enregistrées depuis la résurgence de la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda.
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