Lors d’une conférence-débat organisée le 02 Décembre 2021 à Kinshasa,
des experts ont pu démontrer les limites de la réparation des victimes de
crimes internationaux commis en RDC, les conséquences que cela entraine
et l’opportunité d’améliorer le système de réparation en faveur des victimes.
La conférence-débat a été organisée à l’initiative de l’ONG Belge RCN Justice &
Démocratie, en collaboration avec Avocats Sans Frontières et TRIAL International dans
le cadre du projet conjoint : « Soutenir les efforts de la lutte contre l’impunité en
république démocratique du Congo », financé par l’Union Européenne.
Cette conférence faisait suite à l’étude « Dépasser le statu quo en matière de
réparations en RDC : enjeux et perspectives », commanditée par Avocats Sans
Frontières en 2020 et dont les résultats ont également été partagés en marge de ladite
conférence.
Autorités politiques, judiciaires, avocats, scientifiques, représentants des organisations
de la société civile, tous œuvrant dans la lutte contre l’impunité ont pu s’exprimer pour
faire valoir la voix du droit dans un contexte congolais où des millions des victimes des
crimes graves n’ont pas toujours accès à la justice ni à une quelconque réparation. Et
dans certains cas, l’attente dure depuis des décennies.
Les réparations des victimes : pourquoi une conférence ?
Sous la thématique : « Le Droit à la réparation des victimes des crimes internationaux
en RDC : Etat de la recherche, de la jurisprudence et perspectives », la conférence
avait pour objectif de faire le point sur la question de la faisabilité et des modalités du
droit à la « réparation » des victimes de crimes internationaux en République
Démocratique du Congo en associant autorités politiques, judiciaires, scientifiques,
avocats et organisations œuvrant dans la lutte contre l’impunité.
Les actions entreprises permettront de former une stratégie de plaidoyer et de
capitalisation à l’attention des parties prenantes du secteur de la justice engagées dans
la poursuite des crimes internationaux et la mise en place d’une réponse coordonnée
et concertée pour une assistance holistique des victimes en RDC et d’alimenter le débat
académique et citoyen.
Trois principales interventions ont marqué cette conférence. La première est celle de
la Professeure SARA LIWERANT sur l’étude « dépasser le statu quo en matière de
réparations en RDC : Enjeux et perspectives », commanditée par l’ONG Avocats Sans
Frontières (ASF);
Cette présentation a tourné autour des questions centrales qui sont : Quelles sont les
réparations pertinentes en matière de crimes internationaux et quelles sont les
pratiques judiciaires, voire extra-judiciaires, idoines à développer ou à mettre en place
dans le contexte socio-politique et juridique congolais.
La deuxième intervention sur l’évolution de la jurisprudence en la matière, était celle
de Mr Dominique KAMUANDU, Coordonnateur Thématique de l’organisation Avocats
Sans Frontières.
D’après les données collectées par Avocats Sans Frontières, la justice congolaise a au
total ordonné entre 2005 et 2020 le versement de près de 28 millions de dollars de
dommages et intérêts à plus de 3300 victimes de crimes internationaux. Cependant
seul 165.317USD ont été décaissés à titre de réparations pour 33 victimes dans l’affaire
dite Songo Mboyo. Et donc l’Etat congolais doit se rattraper et corriger cette apparence
de justice mises-en mal par les statistiques d’exécution des réparations.
Cependant, l’orateur a quand même loué les évolutions de la justice militaire en
matière de réparation en faisant allusion aux dossiers MIRIKI au Nord Kivu, DJUGU 2
et 3 en Ituri, KOKO DI KOKO au Sud Kivu dans lesquels la justice a accordé des
réparations collectives et non financières.
Enfin, le Colonel Martin EKOFO, magistrat de la Haute Cour Militaire a apporté ses
réflexions en tant que juge sur les modalités et bases juridiques de la réparation.
Pour ce haut magistrat : « la réparation de crimes internationaux est la dernière étape
du processus de protection des droits de l’homme. La première étant d’empêcher la
commission des violations des droits de l’homme ; la deuxième, si des violations se
commettent, elles doivent donner lieu à une enquête (de pouvoir public, rapide,
minutieuse et impartiale) ; la troisième est que la victime doit avoir accès à la justice
et enfin avoir en droit à une réparation adéquate. »
En tant que tel, le but ultime de la réparation se doit de placer la victime dans la
situation qu’aurait été la sienne si le crime n’avait pas été commis. Pour mener ce but,
il est donc souhaitable que la définition de la réparation prenne en compte ces trois
questions : que répare-t-on ? Comment répare-t-on ? Et Combien ? Car réparer c’est
prendre des mesures en réponse à une violation possible ou réelle englobant tant la
substance de la réparation que la procédure qui peut y être mené, a conclu le Colonel
EKOFO.
En conclusion
A l’issue des échanges, plusieurs options se sont dégagées afin d’améliorer le
processus de réparation des victimes en tenant compte de toutes les phases du procès
(Enquête, Pré-juridictionnelle, Décision judiciaire, Exécution des jugements).
Ces options, convergent toutes à une seule conclusion « mettre en place un processus
de réparation visant à mettre en adéquation la demande et l’offre de justice en fonction
des situations précises ».
Aussi la nécessité pour l’Etat congolais à actualiser le projet de création d’un fonds
pour la réparation des victimes de crimes internationaux (lever les options entre un
fonds provincial ou national, les sources de son alimentation, les modalités de
distribution, et détermination des mécanismes de suivi, etc.) a été souligné avec
insistance.
« Il y’a donc des avancées significatives qui ont été réalisées en RDC en termes de
lutte contre l’impunité mais il faut qu’il y’ait plus d’efforts pour permettre aux victimes
de connaitre la vérité et d’obtenir réparation » a conclu Mr Dominique KAMUANDU,
Coordonnateur thématique chez Avocats Sans Frontières.
Article rédigé avec le soutien et l’appui financier de RCN Justice & Démocratie.
Par Gabriel Kashugushu
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