Groupe de presse La République

RDC : Silence ! le M23 tue à Rutshuru (Témoignages des rescapés)

Le groupe de presse la république.net est allé à la rencontre des rescapés des exactions commises par certains éléments du M23 sur des populations civiles. Ces victimes anonymes gardent encore souvenirs et cicatrices indélébiles de leurs cauchemars qu’ils auraient vécu entre septembre et novembre 2024 en territoire de Rutshuru.

En RDC, les rebelles du M23 occuperaient actuellement plus de 80 % du territoire de Rutshuru frontalier entre le Rwanda et l’Ouganda, pays de repli et de ravitaillement de ces rebelles qui gèrent ce territoire depuis 3 ans. Cependant, plusieurs rapports d’ONGs de défenses de droits de l’homme qui œuvrent dans la zone alertent sur les cas de violations graves de droits humains que commettent les rebelles du M23 sans que personne ne les documente. A côté de cela s’ajoutent, plusieurs articles de presse, communiqués officiels des organes de la société civile locale qui alertent sur les cas de pillages systématiques, exécutions sommaires et tueries cibles à l’encontre des civiles dans cette zone occupée par le M23.

Vue que nous ne pouvions pas aller sur place à Rutshuru pour enquêter sur ce sujet, nous sommes allé à la rencontre des rescapés des exactions du M23 qui se trouvent dans deux grands camps de déplacés en territoire de Nyiragongo en provenance des villages de Katwiguru et Kiseguru.Ils ont fui les massacres de leurs proches au mois de novembre 2024. Certains extraits de leurs témoignages sont très sensibles.
« Nous étions en train de vivre paisiblement en cultivant nos champs dans mon village à Katwiguru et nous attendions les échos de la guerre du M23 de loin. On nous disait qu’ils brûlaient les motos et faisaient adhérer de force les jeunes motards. C’était vers fin octobre que ces rebelles visiteront la case de mon père et tueront mes deux parents en me laissant pour mort après avoir écopé d’un coup de machette sur la tête. », raconte Éric (nom d’emprunt), une vingtaine et seul loin du reste de sa famille. Nous l’avons interviewé pendant que la plaie du coup de machette sur sa tête commençait à peine à cicatriser.
Groupe de presse la République (GPL) : Quelle a été ta première réaction lorsque ces rebelles ont fait incursion dans ta case familiale ?
Éric : J’ai commencé à négocier avec eux espérant qu’ils vont émarger mon père qui n’était pas politicien et ne se mêlait jamais des affaires de la guerre.
GPL : Et quel était son travail quotidien ?
Éric : Il était infirmier , tradi ‐praticien, il soignait avec les plantes.
GPL : Qu’as-tu fais pour essayer de les empêcher de tuer ?
Éric : J’ai commencé à pleurer et à crier de toutes mes forces espérant que les voisins vont nous venir en aide grâce à mon SOS. Pour me faire taire, l’un de ces rebelles va me taper violemment d’un coup de machette sur la tête après m’avoir demandé trois fois de me taire en s’enfonçant le bout de canon dans le ventre. Après cet acte, j’ai commencé à courir dans toutes les directions en laissant des traces de sang sur mon passage. C’est loin dans une case perdue dans les bananières derrière notre maison que je vais trouver un homme qui pensera ma plaie et c’est qui me conseillera de fuir vers Goma pour ma sécurité.
GPL : Selon toi, pourquoi ces rebelles en voulaient à tes parents ?
Éric : Les voisins m’ont raconté que mon père avait refusé de suivre ces malfrats dans leur base pour devenir leur soigneur et qu’ils auraient tiré sur lui à bout portant. Ma mère, elle, sera forcée de le suivre et elle servirait d’esclave sexuel avant qu’ils ne l’assassinent à son tour et ils ont jeté son corps loin dans la brousse.

Éric n’est pas le seul rescapé des crimes commis sous silence par les M23. Dans un autre camp, nous avons rencontré l’une des épouses des motards qui auraient étés enrôlés par force par le M23.
« Mon mari avec qui j’ai eu quatre enfants exerçait le métier de taximan moto a Kiseguru. Il avait été pris dans un groupe de 12 motards que le M23 avaient pris en otage afin de les forcer à porter les armes. Parmi les 12 motards, les rebelles avaient relâché trois d’entre eux et c’est à partir de l’un de ces trois collègues relâchés que j’ai appris la mort tragique de mon mari. Il voulait s’enfuir et il a été décapité par le M23 devant le reste du groupe pour servir d’exemple. », témoigne en larmes Esther (nom d’emprunt) portant un nourrisson dans ses bras.
GPL : Quelles sont les démarches que tu as entreprises pour retrouver ses traces ?
Esther : Malgré le fait que j’étais à terme, je suis allée me joindre à un groupe de six femmes qui suivaient les traces de leurs maris se trouvant parmi les 9 portés disparus. Malheureusement nous avons croisé le chemin d’un autre groupe de ces rebelles et ils avaient encore pris quatre des six femmes en otages et les ont violé sous mes yeux.. . Nous trois autres on nous avait demandé de retourner au village vite et nous cacher. Prise de peur j’ai accouché un jour après de ce bébé que je porte. J’ai eu cet enfant en pleine brousse et ce sont les deux autres femmes qui m’ont fait accoucher avant d’atteindre un dispensaire plus loin sur la route vers Nyiragongo. J’ai fait un petit tour au village pour prendre ma trousse de rescapé et j’ai trouvé l’histoire du bébé de ma voisine qui venait d’être plongé de force dans l’eau bouillante par les rebelles du M23.
GPL : Raconte-nous avec détails cette histoire du bébé de ta voisine ?
Esther : Le jour où le M23 est entré dans notre village, la dame était seule dans sa maison car elle en était à moins d’un mois de son accouchement. Elle ne pouvait donc pas faire une longue distance à pied. Elle avait alors délibérément demandé aux restes de sa famille de la laisser seule avec le nouveau-né, elle qui pensait que les rebelles pouvaient avoir une once de pitié pour une mère et son bébé . Il se raconte qu’ils lui auraient demandé pourquoi elle n’avait pas fui avec les autres et elle leur a parlé de son récent accouchement. Les rebelles lui ont ensuite demandé: que prépares-tu, comme nourriture ?Elle a répondu qu’elle était en train de chauffer l’eau pour préparer la bouillie. Ils ont alors suggérer d’augmenter les bois de chauffes et auraient même soufflé le feu en disant à la femme qu’ils avaient aussi faim. Lorsque l’eau avait atteint une température très élevée, ils ont alors demandé à la dame d’aller réveiller son bébé qui dormait. Ils ont alors cherché une plus grosse marmite et ont enfoncé le bébé dans l’eau encore sur le feu jusqu’à ce que le bébé perde sa vie…. Ils ont alors dit à la femme de courir et aller raconter ceux qu’elle venait de voir à ceux qui continuent de collaborer avec nos ennemis. [les Wazalendo (mouvement patriotique armé) partenaire à l’armée nationale FARDC.] Ndlr.

Les deux témoignages constituent un échantillon de plusieurs cas de violations graves de droits de l’homme que nous avons recueilli. La plupart des victimes ont été reprochées d’être en connivence avec les FDLR (Mouvement génocidaire Rwandais) agissant sur le sol congolais ou encore d’avoir collaboré avec les groupes réveillés du regroupement Wazalendo qui travaille avec les FARDC.

La rédaction


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