C’est le 24 Novembre 2021 que la 2ème chambre du Tribunal Militaire
garnison de l’Ituri siégeant en chambre foraine à la prison centrale de Bunia, a
rendu son verdict dans l’affaire sous RP 1285, dite Affaire « Djugu4 ».
A la barre, 22 prévenus, miliciens du groupe rebelle Coopérative pour le
Développement du Congo, « CODECO », comparaissaient pour des exactions
commises dans le cadre du conflit interethnique entre Lendu et Hema à Djugu. Sur
ces 22 prévenus, 20 ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité par
meurtre, déportation, persécution et par autres actes inhumains de caractère
analogue causant intentionnellement de grandes souffrances à la population civile.
Le Tribunal Militaire de Garnison de l’Ituri a condamné 4 miliciens à la peine
de prison à perpétuité, 14 autres ont écopé la peine de 20 ans et 2 autres à 10
ans de servitude pénale.
Constituées parties civiles, 76 victimes ont bénéficié de 635.320$ à titre de
dommages et intérêts dont 330.000$ destinés aux victimes par meurtre, 137.100$
aux propriétaires de 457 vaches pillées, 37.500$ aux biens pillées des maisons.
Condamné solidairement avec les prévenus à payer ces dommages et
intérêts, l’Etat Congolais civilement responsable des affres commis, s’est vu
ordonné par le Tribunal de prendre en charge médicalement et psychologiquement
les victimes, de construire d’infrastructures d’intérêt communautaire ainsi que de
prendre des mesures de rétablissement de la paix et la réinstallation des victimes
déplacées dans leurs localités.
UNE LUEUR D’ESPOIR POUR LES VICTIMES
Pour la Société Civile de Djugu, tous les procès tenus à l’égard des miliciens
de la CODECO constituent une sorte de baume au cœur aux victimes des
massacres et autres actions innommables commises par cette milice dans la région
depuis une dizaine d’années.
« Nous saluons les procès tenus pour rendre justice aux victimes de la barbarie
de la CODECO qui tue, viole, brule et saccage tout à leur passage dans le territoire
de Djugu », dit Mr Charité BANZA, Coordonnateur de la Société Civile du
groupement Bahema Nord en territoire de Djugu dans la province d’Ituri.
Ce cadre de la Société Civile pense néanmoins que l’urgence est aussi de rétablir
la paix dans la région : « Nous assistons à des tueries tous les jours de la part des
miliciens de la CODECO. Les Forces Armées de la République Démocratique du
Congo ne parviennent pas à arrêter les massacres en Ituri. La population vit la
peur au ventre d’être attaquée tous les jours », poursuit Mr Charité BANZA.
Pour faire face à l’insécurité dans la province de l’Ituri causée notamment
par les miliciens de la CODECO ainsi que d’autres groupes armés, le gouvernement
congolais y a décrété l’Etat de siège depuis le mois de Mai 2021.
Me Jules RHUHUNEMUNGU, Coordinateur Projets Justice Pénale Internationale à
Avocats Sans Frontières – République démocratique du Congo, qui a appuyé la
tenue de tous les procès dans les affaires Djugu (1, 2, 3 et 4), souligne que la
réalisation de ces procès contribue à la lutte contre l’impunité d’une part et à la
promotion des droits des victimes et communautés affectées d’autre part : « Pour
rappel, la CODECO a poursuivi des attaques contre les communautés Hema et
Lendu, depuis 2017 à ces jours. Ces attaques constituent des crimes
internationaux et les droits des victimes sont violés. C’est soit des crimes par
meurtre, incendies, pillages, persécution, déportation, viols, et autres actes
inhumains et dégradants » dit-il.
« L’action d’ASF contribue à l’effectivité des procès, car elle appuie les victimes qui
témoignent et renforcent l’action du Ministère Public. Sachant si bien que les
crimes de masses sont souvent difficiles à prouver et l’espace entre leur
commission et l’organisation des enquêtes fait perdre plusieurs traces et donc les
dernières repères sont les victimes qui ont vécu les faits », renchérit Me Jules
RHUHUNEMUNGU.
Depuis les verdicts rendus dans les procès précédents, les victimes peinent
à accéder aux bénéfices des jugements prononcés. Ce qui préoccupe ASF qui
continue à appuyer ces dossiers notamment en finançant la procédure jusqu’au
niveau de la mise en état des décisions ; en assurant que les réparations
communautaires dont les communautés ont bénéficié font objet de plaidoyer pour
être effectif, en appuyant les missions de restitutions des décisions aux victimes
qui seront informées de l’issue de leur procès et des étapes suivantes ; les dossiers
dont la procédure de mise en état a été clôturée au niveau provincial sont pris en
charge à Kinshasa si et seulement si l’Etat est condamné solidairement avec les
prévenus.
Le Coordinateur Projets Justice Pénale Internationale à Avocats Sans
Frontières révèle que d’autres stratégies ont été arrêtées afin que les victimes
jouissent des bénéfices des verdicts rendus : « ASF et ses partenaires ne veulent
pas rester dans le statu quo. Nous continuons d’innover en réfléchissant à d’autres
mécanismes qui satisferont les victimes. C’est le cas du dossier Djugu 2 RP 1254
dans lequel le tribunal de garnison de l’Ituri a retenu les réparations
communautaires, adaptées aux réalités et souhaits des victimes et
communautés », argue Me Jules RHUHUNEMUNGU.
UNE REGION MEURTRIE PAR DES CONFLITS QUASI RECURRENTS
Depuis le 16 Décembre 2017, date d’assassinat d’un prêtre Lendu, et ce
jusqu’en 2020, en territoire de DJUGU dans la province de l’ITURI, un groupe
d’individus d’ethnie « LENDU » non autrement identifié, adeptes d’une église
implantée à DJUGU et dénommée « CODECO », s’attaquait aux membres de
l’ethnie « HEMA », en tuant et violant à l’aide de machettes, flèches et armes de
guerre, en incendiant les habitations et pillant les biens de toute nature.
Ces attaques lancées contre des populations civiles auraient fait plus de 300
morts, de 3000 maisons incendiées, plusieurs centaines de blessés plusieurs
vaches abattues ou emportées et plus de 300.000 déplacés internes et externes.
Grâce à l’appui des partenaires internationaux et autres, des missions d’enquête
et audiences foraines ont permis de juger les 76 personnes qui avaient fait l’objet
d’arrestation. Le 28 septembre 2019, une décision a été rendue et 55 personnes
ont été reconnues coupables et condamnées à la servitude pénale à perpétuité et
7 personnes avaient été acquittées, pendant que l’action publique avait été
déclarée éteinte pour ceux qui avaient perdu la vie en détention.
Bien avant la clôture de ce dossier au premier degré, le 10 juin 2019, 04
commerçants de la communauté Lendu, originaire de la localité de Kobu dans le
groupement de Banyali-Kilo, furent assassinés. Ce fait va entrainer à nouveau un
cycle de violences dans le territoire de Djugu et bien autres comme Mahagi et
Irumu.
Pour la société civile de l’Ituri, durant les 6 premiers mois de l’année 2020,
1.777personnes ont été tuées, 14.517 maisons parmi lesquelles 140
infrastructures scolaires ont été incendiées. La MONUSCO fait cas de 600.000
personnes déplacées depuis cette période.
Article rédigé avec le soutien et l’appui financier de RCN Justice & Démocratie.
Par
MAOMBI MUTUNZI Samuel Arcadius
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