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Goma–Gisenyi : quand les peuples défient les frontières et prônent le vivre-ensemble

Les populations des villes voisines de Goma, en République démocratique du Congo, et de Gisenyi, au Rwanda, vivent depuis des années dans une cohabitation pacifique et harmonieuse. Malgré les tensions politiques récurrentes entre les deux États, notre enquête menée en décembre 2025 révèle une réalité bien différente sur le terrain : celle de peuples unis par l’histoire, les échanges économiques et la vie quotidienne.

Contrairement au discours parfois alarmiste de certains leaders politiques des deux pays, les témoignages recueillis indiquent que les Congolais vivent en paix à Gisenyi, tout comme les ressortissants rwandais installés à Goma. Une coexistence fondée sur le respect mutuel, loin des discours de haine.

Une cohabitation ancienne et enracinée

Pour Floribert Kambale, médecin généraliste à Goma, les échanges entre Congolais et Rwandais ne datent pas d’aujourd’hui.
« Il y a toujours eu des relations étroites entre les deux peuples, bien avant les régimes politiques actuels en RDC et au Rwanda », explique-t-il.

Lui-même affirme avoir travaillé comme médecin dans plusieurs structures hospitalières à Kigali et Gisenyi entre 2009 et 2020, sans jamais subir de discrimination. Il rappelle également que, même à l’époque du Zaïre, de nombreux enseignants et médecins congolais exerçaient au Rwanda, où ils étaient bien traités sous le régime de l’ancien président Juvénal Habyarimana.

Plus loin dans l’histoire, un opérateur minier congolais souligne que dès les années 1950, plusieurs Rwandais traversaient la frontière pour travailler dans les mines du Kasaï et du Katanga, et plus récemment dans les sites miniers de Numbi et Rubaya, au Nord-Kivu.

Les motivations des mouvements de populations

La détérioration de la situation sécuritaire dans la province du Nord-Kivu a poussé, depuis une dizaine d’années, de nombreux jeunes Congolais à s’installer à Gisenyi. Selon un agent des services de migration ayant requis l’anonymat, la tendance s’est toutefois inversée depuis février 2025, avec l’arrivée de plusieurs jeunes Rwandais à Goma, à la recherche d’opportunités économiques.

Pour les Congolais vivant à Gisenyi, ce choix est motivé notamment par :

un climat sécuritaire plus stable,

des loyers relativement abordables,

un accès plus régulier à l’eau et à l’électricité.

Cependant, cet afflux a entraîné une hausse significative des loyers, parfois jugée excessive.
« J’ai vécu trois ans à Gisenyi, entre 2014 et 2017. Mais j’ai fini par rentrer à Goma lorsque les propriétaires ont commencé à exagérer avec les prix des loyers », témoigne Serge Kyalondawa, ancien résident de Gisenyi.

Des Rwandais bien intégrés à Goma

De son côté, Byamungu Jacques, un jeune entrepreneur rwandais vivant à Goma depuis 2020, affirme n’avoir jamais été victime d’exclusion, y compris après la prise de la ville par l’AFC-M23.

« Je me suis lancé dans la fabrication et la vente de mèches naturelles et synthétiques à Goma. Les services de l’État congolais m’ont facilité l’obtention des documents nécessaires. Je vis paisiblement dans un quartier populaire où j’ai installé mon atelier. Je n’ai jamais subi de discrimination, avant comme après la guerre. Les femmes congolaises sont mes clientes privilégiées », se réjouit-il.

Un message clair aux leaders politiques

La majorité des personnes interrogées insistent sur un point essentiel : au niveau des populations, la cohabitation ne pose aucun problème. La jeunesse de Goma et de Gisenyi, principale cible de notre enquête, appelle les responsables politiques des deux pays à cesser d’instrumentaliser les civils dans des discours de haine, qui ne reflètent en rien la réalité du vivre-ensemble observé sur le terrain.

Par Thierry KAYANDI
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